14-18 : le soldat méconnu... Première Guerre et outre-mer : regard sur le commandant Mortenol
Créée en 2012 pour les besoins de la cause, la Mission du Centenaire, à travers son site Internet, nous fournit à cet égard une source d’informations et de contenus documentaires de première utilité. Contributeurs parmi d’autres, le réseau académique Canopé propose ainsi un article rappelant les enjeux du moment dans ce que l'on n'appelait pas encore les DOM-TOM : « Soixante-six ans après l’abolition de l’esclavage (1848), les citoyens des Outre-Mer souhaitent apporter leur contribution à la patrie, en étant intégrés et reconnus par celle-ci. Cette citoyenneté ne leur permet pourtant pas de contribuer à la conscription qui n’intervient qu’en 1889. Il faut attendre la loi du 7 août 1913, qui modifie les lois de conscription de 1889 et 1905, et rend obligatoire la conscription. En outre, cette loi répond aux revendications de certains hommes politiques, qui souhaitent ardemment voir les colonies des Antilles, de la Guyane et de la Réunion assimilées, et qu’au même titre que les Français, ces citoyens puissent participer à l’impôt du sang. Ce n’est qu’en 1913 que le service militaire est instauré dans les quatre colonies, et l’entrée de la France dans le premier conflit mondial, ne fait que confirmer cela ».
Soulignons également, sur ce même site web, l’article de l’historien Jacques Dumont (Université des Antilles) : « La figure de l’ennemi : les Antilles et la Première Guerre Mondiale », ou encore une série d’archives photos et cinématographiques émanant de l’ECPAD.
Une figure, parmi tant d’anonymes, symbolise au plus haut degré la part qui fut celles des combattants antillais dans cette bataille. Une figure de haut gradé, de surcroît. Natif de Pointe-à-Pitre, où une rue porte son nom, le commandant Camille Mortenol appartient aussi depuis 1984, à la toponymie parisienne : une rue du 10ème arrondissement lui est ainsi dédiée.
C'est bien le moins quand on songe que, de 1915 à 1917, l’officier supérieur mit son savoir-faire au service de la défense anti-aérienne de Paris pour parer les attaques de l’ennemi. Entre autres moyens, une technique, inédite à l’époque, consista en l’utilisation de projecteurs de très forte puissance propres à décourager les bombardements aéroportés allemands. De l'avis unanime, la contribution de Mortenol fut décisive dans la sauvegarde de Paris. Dans cette page dédiée au parcours brillant de son ancien élève, l'Ecole Polytechnique (appelée aussi l'X) évoque comment la présence de Mortenol au sein de l'état-major parisien durant la Première Guerre fut perçue par l’un de ses collègues de travail : « Le successeur du commandant Prère, le capitaine de vaisseau Mortenol, est arrivé aujourd’hui pour prendre le commandement de la DCA ; c’est un nègre. On est plutôt surpris de voir ce noir pourvu de cinq galons et officier de la Légion d’Honneur ; il paraît qu’il est très intelligent ; c’est un ancien polytechnicien. »
Selon les sources, ce dernier élément du CV de Mortenol est sujet à des différences d’interprétation - et de formulation : ici, il est décrit comme "le premier noir" à intégrer, en 1880, la prestigieuse école, ailleurs il ne serait que le 3ème « homme de couleur » à pouvoir se prévaloir de cet insigne honneur. Le site de l’X, plus précis encore, évoque pour sa part le « troisième élève aux origines africaines » à être admis en son sein, les deux premiers étant d’ailleurs des martiniquais : F.-A. Périnon (promotion 1832) et C.-A. J. Wilkinson (1849)…» . Décédé en 1930, Mortenol est enterré à Paris.
Lire sur Manioc
- Hildevert-Adolphe, Lara, Contribution de la Guadeloupe à la pensée française :1635-1935, Paris : Jean Crès,1936.[photo tirée du livre]
Vidéos Manioc
- La figure de l'ennemi : les Antilles et la Première Guerre mondiale. Intervention filmée du professeur Jacques Dumont, extrait du "46ème colloque annuel de l'Association des historiens de la Caraïbe", Université des Antilles et de la Guyane, 15 mai 2014. 2014.
- Les soldats antillo-guyanais dans la Grande Guerre. Intervention filmée de l'historienne Sandrine Andrivon-Milton, extrait de "Les soldats antillo-guyanais dans la Grande Guerre", Conférence, Université des Antilles, 2 mai 2016.