Anne-Marie Javouhey religieuse dans les colonies françaises : fondatrice de la congrégation des sœurs de Saint-Joseph de Cluny
Des réussites remarquées par le Roi et des fondations d'établissement dans les colonies françaises
La congrégation des Sœurs de Saint-Joseph de Cluny avait entre autres pour vocation de s'occuper d'enfants pauvres et de leur fournir une éducation. La petite communauté se distingua par ses réussites en matière éducative et fut remarquée par le Roi qui se tourna vers mère Javouhey pour l'inciter à ouvrir des écoles et des hôpitaux dans les colonies.
Ainsi dès 1817, Anne-Marie Javouhey envoyait 4 sœurs pour travailler à la fondation d'un établissement dans l'île de bourbon (aujourd'hui La Réunion) ; en 1819, une école gratuite était ouverte à Saint-Denis. C'est ensuite au Sénégal, en 1822, que d'autres sœurs furent envoyées pour y installer la congrégation. Au fil du temps, Anne-Marie Javouhey organisa l'installation de sœurs à Pondichéry, à Madagascar, à Tahiti. Elles s'établirent aussi dans le Nouveau Monde : en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe.
La mère Javouhey souhaitait se rendre elle-même dans les colonies pour participer au développement de ses établissements. Elle fut ainsi au Sénégal entre 1822 et 1824 et parcourut d'autres terres du continent. Elle contracta alors la fièvre jaune et dut sa survie au soin de Florence, esclave sénégalaise qui lui fut donnée. Plus tard, elle passa quelque temps entre la Martinique et la Guadeloupe. Enfin, elle se rendit en Guyane, et s'implanta pour plusieurs années à Mana.
1837-1843, l'expérience de Mana en Guyane
En 1827, le gouvernement fit appel à Anne-Marie Javouhey pour reprendre un projet de colonisation de Mana en Guyane, qui avait connu un précédent échec. La religieuse s'installa en 1828 avec des consœurs, des orphelins et des colons pour établir un village. Avec eux, des esclaves furent aussi employés à la mise en valeur du site. C'est un des paradoxes des actions d'Anne-Marie Javouhey. Elle voulait œuvrer à l'émancipation graduelle des Noirs, pourtant elle avait acquis des esclaves et, en 1831, elle se voyait aussi confier environ 170 Africains issus de la traite illégale. Les travaux de Pascale Cornuel, qui a soutenu une thèse d'histoire sur la vie d'Anne-Marie Javouhey, permettent de mieux comprendre ce paradoxe. L'établissement de la congrégation ne correspond pas au prototype d'une plantation esclavagiste de l'époque. A Mana, les conditions de vie étaient les mêmes pour les esclaves et les sœurs qui avaient fait vœu de pauvreté. Il ne s'agissait pas de produire pour enrichir un maître. Les esclaves avaient par ailleurs accès à l'éducation et au soin. Pour Anne-Marie Javouhey, plus que la liberté, la priorité était donnée à la christianisation selon sa lecture de l’Évangile. Ce n'est donc qu'après un engagement de plusieurs années au cours desquelles elle veilla à leur christianisation qu'elle libéra ses esclaves.
Son approche particulière de l'esclavage et sa réussite à Mana lui attirèrent les foudres du clergé local comme du monde colonial. Les pressions se multiplièrent pour lui faire quitter le territoire. C'est ainsi qu'elle quitta Mana en mai 1843.
Les livres anciens sur Anne-Marie Javouhey dans Manioc
Sur Manioc vous pouvez découvrir trois livres anciens qui racontent sa vie. Le plus ancien, publié en 1886, a été rédigé par François Delaplace (1825-1911), prêtre qui fut un temps aumônier chez les sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny. C'est aussi à lui qu'on doit l'ouvrage de 1915 qui est une troisième édition revue et refondue de son livre. Cette nouvelle édition offre des illustrations supplémentaires.
L'autre ouvrage, publié entre 1909 et 1917 en 5 tomes, est un recueil de la correspondance d'Anne-Marie Javouhey ce qui lui confère un caractère de source historique d'intérêt. Anne-Marie Javouhey avait émis le vœu que sa correspondance soit mise à disposition des membres de la congrégation. C'est ainsi un peu plus de mille lettres disséminées dans le monde qui ont été rassemblées et qui permettent de mieux comprendre le parcours et la pensée de cette femme pieuse.
Livres anciens sur Manioc.org
- Delaplace, François, La R. M. Javouhey, fondatrice de la Congrégation de Saint-Joseph de Cluny : histoire de sa vie, des oeuvres et missions de la congrégation. Tome I ; Tome II , Paris : Librairie Victor Lecoffre ; Paris : Librairie catholique internationale, 1886.
- Javouhey, Anne-Marie, Recueil des lettres de la Vénérable Anne-Marie Javouhey fondatrice et première Supérieure générale de la congrégation de Saint- Joseph de Cluny. Tome premier, Paris : J. Mersch, 1909 & Tome second 1911 ; Tome troisième 1913 ; Tome quatrième 1915 ; Tome cinquième 1917.
- Delaplace, François, La vénérable mère Anne-Marie Javouhey, Paris : Maison-mère de l'institut, 1915.
Audio-vidéo sur Manioc.org
- Cornuel, Pascale , "Anne-Marie Javouhey et l'esclavage : le paradoxe", extrait de "La Guyane au temps de l'esclavage : discours, pratiques et représentations, XVIIe - XIXe siècles" : Colloque international de Cayenne, les 16-19 novembre 2010. Université des Antilles et de la Guyane.
Pour aller plus loin
- Cornuel, Pascal "Mère Javouhey, un cas hors normes dans la lutte contre l’esclavage" dans Revue d'histoire Outre-Mers, 2013, 380-381, pp. 63-89.