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Focus Manioc : Victor Cochinat (1819-1886). Le premier conservateur de la Bibliothèque Schœlcher

Carolyn Pancaldi
18 février 2017
En léguant sa bibliothèque personnelle au Conseil général de la Martinique, Victor Schœlcher voulait que tous les martiniquais puissent accéder à l'instruction et à la culture. Pour illustrer cet engagement, il choisit comme premier conservateur de l'établissement « un homme de couleur » : Victor Cochinat. Il certifiait ainsi que l'abolition de l'esclavage était terminée et qu'une nouvelle élite martiniquaise pouvait accéder à une fonction de prestige au sein de la colonie.
Portrait de Victor Cochinat
Portrait de Victor Cochinat par Gustave Le Gray, vers 1856-1859

 

 

Portrait de Victor Cochinat par Gustave Le Gray,  vers 1856-1859
Portrait de Victor Cochinat par Gustave Le Gray, vers 1856-1859

 

Le premier conservateur de la bibliothèque Schœlcher se prénommait Victor Cochinat. « Homme de couleur » martiniquais, fils de Jean-Baptiste et Adélaïde Félicité, Victor Cochinat naît à Saint-Pierre le 21 décembre 1819. Il fit ses études à Paris, au collège Charlemagne, et fut reçu comme avocat en 1846.  De retour en Martinique, il s'inscrit au tableau des avocats de la ville tout en collaborant aux journaux locaux tels que Les Antilles et La Liberté. Lors de la révolution de février 1848, il fut nommé substitut au tribunal de Saint-Pierre par le gouvernement provisoire.

 

Appelé à d'autres fonctions après le coup d'Etat du 2 décembre 1851, Cochinat retourne à en France, où il se fait remarquer par ses articles sur la politique et la littérature au Journal de Rouen.

Il quitte ensuite la Normandie pour Paris, et devient sous la direction d'Alexandre Dumas, le principal rédacteur du Mousquetaire (1855-1856). Puis il entre au Figaro, ou il transmet en feuilletons son ouvrage : Une Vie de Lacenaire (1857) qui eut un véritable succès.

En 1859, il écrit en collaboration avec Louis Lemercier de Neuiville (1830-1919) : Le guide des fumeurs : la pipe, le cigare et la cigarette (1875). Il fonde le journal La Causerie, et trois mois plus tard, rédige dans plusieurs journaux comme : le Diogène, la Gazette de Paris et le Tintamarre. En janvier 1863, Victor Cochinat devient un des premiers rédacteurs du Petit Journal sous plusieurs pseudonymes : Maxime Leclerc ou Louis de Roselay.

Photographie de la Bibliothèque Schœlcher

 

Parallèlement à son métier de journaliste Cochinat officia en tant que conservateur de la bibliothèque Schœlcher. Son métier de conservateur restera très peu mentionné dans sa bibliographie. Les seules informations communiquées sont celle de son salaire de 6000 francs, accompagné d'un logement de fonction en ville. Comme Victor Schœlcher, il légua sa bibliothèque personnelle à l'établissement (environs 11000 volumes).  Il prit ses fonctions de conservateur le 30 août 1884 dans un contexte difficile : une bibliothèque toujours en cours de travaux et des difficultés financières du Conseil général pour terminer de les payer... 

Ajoutons qu'en tant que protégé de Victor Schœlcher, Cochinat sera confronté au dénigrement (caricatures, articles vindicatifs) de la part de journaux locaux dont voici un exemple : 

« Jusqu’à quand M. Victor Cochinat nous gratifiera-t-il de sa littérature vieille commère ? C’est la seule dénomination qui convienne à cette surabondance de paroles insipides, où les je et les moi se succèdent dans un mouvement ininterrompu, où la langue bavarde sans s’occuper de ce que peut réclamer d’elle en sobriété et en jugement la logique de l’esprit, où les interrogations, les exclamations, les plusieurs points et les tirets se mêlent, se confondent, s’embrouillent et se compliquent dans un gachis inqualifiable, dans un informe chaos, où l’on voit bien ce que veut dire la vieille parleuse, mais où l’on ne voit pas du tout qu’elle dise ce qu’elle veut dire, où l’auditeur baille, s’ennuie, envoie au diable l’importance ou s’en amuse et s’en moque, où tout dénote la manie, et où rien ne dénote la raison ». (Bibliothèque Schœlcher, MI 230, Les Antilles, N°10, 3 février 1883).

Il meurt en novembre 1886.

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