La Commune et les colonies : regard sur les bagnes coloniaux
Hautes figures de la Commune et du combat révolutionnaire et anarchiste, l’institutrice Louise Michel et le géographe Elisée Reclus le bien nommé payèrent de leur liberté leur engagement radical auprès des insurgés parisiens de mars-mai 1871. Comme beaucoup au sein de ce mouvement qui ne revendiquait aucun chef, ils furent envoyés au bagne de Nouvelle Calédonie. Pourquoi des bagnes dans les colonies et d’où vient ce choix stratégique ? L’historien Michel Pierre nous l’explique dans l’article suivant : Le siècle des bagnes coloniaux (1852 - 1953)
(…) « Dans les années 1840, se répand l’idée que la concentration de milliers de forçats regroupés dans quelques arsenaux [Toulon, Brest, Rochefort] est dangereuse pour la population civile, contagieuse pour les ouvriers libres et coûteuse pour l’Etat. Et à l’exemple des Anglais ayant déporté au XVIIIe siècle, des dizaines de milliers de Convicts vers leurs terres australiennes, Napoléon III décide, au début de son règne, de l’exil définitif de ceux (et de celles) qui bafouent gravement la loi. »
Première à ouvrir le bal, la Guyane accueille ainsi dès 1852 les réprouvés de la métropole. Hélas, du fait d’un climat inhospitalier et des mauvais traitements infligés aux détenus, l’expérience est suspendue au profit, si l'on ose dire, de la Nouvelle Calédonie, destination punitive de substitution, « à plusieurs mois de navigation des ports français. Et c’est vers ces rives lointaines de la France australe que seront dirigés en 1871 les Communards victimes des tribunaux versaillais. Au début des années 1880, la IIIe République, soucieuse d’ordre et de loi, juge la Nouvelle-Calédonie peu redoutée des criminels et préfère y attirer des colons libres, dignes de ses richesses. La Guyane, de réputation plus sinistre, redevient terre de bagne en 1887, »
Car avec la Nouvelle Calédonie, nous explique Henri Cor dans Questions coloniales de la transportation (1895), « le Gouvernement avait eu la main heureuse », ce territoire étant situé « assez près du tropique du Capricorne pour ressentir en partie les effets bienfaisants de la saison froide des régions tempérées (…) Son éloignement de toute grande terre et l’état sauvage de sa population aborigène, des canaques anthropophages, convenaient particulièrement à un essai de colonisation pénale ».
Comme le rappelle en détail cet autre article, trois catégories de bagnards coexistaient en Calédonie : les Transportés ou forçats, les Relégués ou récidivistes et les Déportés. Comme tous les condamnés politiques, Louise Michel émargeait à ce dernier groupe, composé essentiellement de « communards » . Et ainsi que beaucoup d'autres, Louise Michel fût amnistiée en 1880. Le bagne de Calédonie ferma en 1931, celui de Guyane fut aboli en 1938 à l’instigation de l’avocat Gaston Monneville, secrétaire d’Etat sous le Front populaire, quelques années après que le journaliste Albert Londres eût publié une enquête à charge dénonçant cette réalité coloniale.
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