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La Guyane et la Révolution française #1. - Les débuts de la Révolution 1790-1792 et les abus de l'assemblée coloniale de Cayenne

Jessica Pierre-Louis
15 juillet 2019
1789-1799, la Révolution française marque un tournant de l'histoire bien au-delà du royaume de France. Dans les colonies, l'organisation de la société autour de l'esclavage et du préjugé de couleur amène à penser différemment l'application des principes de liberté et d'égalité. Des mouvements insurrectionnels contribuent à la première déclaration de l’abolition de l'esclavage en 1794 et à l'installation parfois compliquée de nouvelles institutions. Mais cette période se caractérise aussi par une politique de répression en France qui conduit à la déportation des plus violents révolutionnaires de l'an III comme de leurs principaux opposants (les « royalistes » et prêtres réfractaires) de l'an V en Guyane.  Dans ce premier épisode, Manioc s'intéresse aux débuts de la Révolution à la Guyane : 1790-1792.
Carte de la Guiane française et Hollandaise
Carte de la Guiane française et hollandaise et carte de l'embouchure de la rivière Sinamary
Loi du 11 février 1791

En Guyane, les débuts de la Révolution française ne s'accompagnent pas d'agitations de la population blanche comme on peut le rencontrer dans d'autres colonies. Néanmoins, dans la loi du 11 février 1791, Louis XVI prévoit l'envoi de deux commissaires civils en Guyane pour « réunir tous les moyens propres à assurer la tranquillité des colonies et presser l'établissement des lois qui doivent les faire participer à la régénération de l'empire. » (pp. 1-2)

Les élections organisées comme partout ailleurs donnent lieu à quelques irrégularités. Les relations entre le gouverneur, dépositaire du pouvoir jusque-là, et les nouveaux membres élus de l'assemblée coloniale se dégradent. Ces derniers se perçoivent comme l'équivalent sur leur territoire de l'Assemblée nationale française ; à ce titre, ils rejettent toute forme d'objections ou de contestations de leur décision et accaparent le pouvoir. Leur crainte de voir l'ordre esclavagiste remis en cause par les idéaux de liberté et d'égalité défendus dans le royaume de France les pousse à prendre des mesures pour limiter davantage les affranchissements et empêcher la diffusion des idées abolitionnistes. L'interprétation abusive de l'étendue du pouvoir de l'assemblée coloniale donne lieu à des rapports.

Léon Levavasseur était un général et homme politique. Il avait été élu le 7 septembre 1791 à l'Assemblée législative pour le département de la Seine Inférieure (aujourd'hui Seine-Maritime). Au nom du comité colonial, il présenta en 1792 un « rapport  sur l'Isle de Cayenne et la Guiane-Française... » évoquant les difficultés posées par l'assemblée coloniale de la Guyane et la municipalité de Cayenne. Il y dépeint les nombreuses irrégularités, parmi lesquelles l'existence de déportés, ceux que l'on renvoie de la colonie vers la France ou à l'étranger. Les premières déportations furent prononcées en août 1790 contre dix citoyens. En 1791, le sieur Bertholon est condamné à être embarqué pour la France « comme auteur ou complice des projets ou démarches tendantes à occasionner quelque révolution et de fort grands troubles » [sic]. (p. 23). Puis c'est au tour du sieur Sigoigne d'être banni à perpétuité du royaume et de voir ses biens confisqués abusivement. 
Ces agissements irréguliers sont confirmés par un document intitulé « Analyse et rapprochement des opérations de l'Assemblée coloniale de Cayenne : l'affaire est au Comité colonial, au rapport de M. Léon Le Vavasseur ». Gallet « créole, habitant-cultivateur, conseiller » qui signe le document, demande ainsi en son nom et ceux d'habitants de Cayenne, la cassation de l'assemblée coloniale à cause de ses vices. Il donne les modalités de constitution de cette assemblée et décrit tout ce qui lui semble illégal et abusif dans son fonctionnement.

Dans ces premiers temps de la révolution, ce sont des citoyens guyanais qui furent expulsés du territoire, mais très vite on assiste à un phénomène inverse. La Guyane devient terre de déportation pour des hommes venant du royaume de France. Billaut-Varenne et Collot-d'Herbois furent les premiers à en faire les frais comme vous pouvez le lire dans l'épisode #2 La déportation de Billaut-Varenne et de Collot-d'Herbois en 1795. 

Documents anciens sur les débuts de la révolution en Guyane

Voir aussi la bibliographie de l'épisode 3

 

        Pour aller plus loin

        • Bénot, Yves, La Guyane sous la Révolution, Kourou, Ibis Rouge Edition, 1997. 

         

        Retrouvez tous les épisodes de cette série sur la Guyane et la Révolution française  

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