La Revue Oyapock : le pari d’un collectif d’écrivains
« Je suis un ara.
Goutte à goutte du monde sur mes plumes.
Mes ailes déployées éventent l’univers.
Bec dangereusement engagé en un caquetage infini,
couleurs de mes plumes couronnent le paysage et le volatilisent.
Mes couleurs aspergent les monts et les vaux de sucs prometteurs d’aubes.
Je suis un ara.
Qui rêve de m’abattre meurt en rêvant.
Je suis un ara.
Oiseau infini, infiniment absent. »
« Je suis un ara.
Goutte à goutte du monde sur mes plumes.
Mes ailes déployées éventent l’univers.
Bec dangereusement engagé en un caquetage infini,
couleurs de mes plumes couronnent le paysage et le volatilisent.
Mes couleurs aspergent les monts et les vaux de sucs prometteurs d’aubes.
Je suis un ara.
Qui rêve de m’abattre meurt en rêvant.
Je suis un ara.
Oiseau infini, infiniment absent. »
C’est en me lisant ces vers de Daniel Pujol, et tirés de son poème Je suis un ara publié sur le site www.oyapockrevuelitteraire.com, qu’Alexandra Cretté trouve l’inspiration pour nous présenter la Revue Littéraire Oyapock. D’abord elle fit un rêve un peu fou, éclos sur le bord d’une terrasse lors de longues discussions sur la littérature et l’écriture avec Samuel Tracol, un des co-fondateurs de la Revue. Sans être cependant rêve de grandeur, la revue fut d’abord un rêve de publications collectives, rêve de faire émerger, dans un espace de liberté, toutes les écritures de cette terre amazonienne de Guyane. « Lorsque nous ouvrons nos yeux sur le monde, nous nous voyons pluriels. Pluriels d’identités, de langues, d’histoires ou de combats, de visions. Oyapock veut refléter cette diversité. Parmi nous, autant d’auteurs d’âge mûr que de jeunes gens. Des femmes. Des gens qui sont dans la trajectoire d’une migration. D’autres qui sont installés plus confortablement dans l’existence. » La directrice de la Revue est facilement lyrique. Mais elle tient à nous faire comprendre que ce qui l’intéresse est la création d’une dynamique littéraire propre à l’espace caribéo-amazonien. « Il y a déjà de nombreux auteurs publiés en Guyane. Des gens aguerris dans l’écriture qui publient régulièrement dans de prestigieuses maisons d’éditions. Cependant, peu de mouvements littéraires marquent notre histoire, ou ont été trop vite oubliés depuis la fondatrice Négritude ».
La Revue Oyapock se veut la création d’un espace de publication qui met en réseau des écrivains. Elle les lance, créé des ponts entre l’écriture solitaire, la discussion entre auteurs et la lecture par un public que l’accessibilité numérique rend international. Aujourd’hui, deux cent cinquante-six personnes sont abonnées, lecteurs principalement répartis entre la Guyane, Haïti, la Martinique et la France. Plus à la marge, on lit également la revue au Brésil, en Argentine, au Mexique, au États Unis, au Canada, en Grande Bretagne et en Italie…
Pour l’instant la revue s’est principalement développée en langue française : « Mais ce n’est pas sa nature de s’y limiter » poursuit Alexandra Cretté. « Ont déjà été publiés des poèmes en portugais de Luane Farias, des poèmes en créole de Nitza Cavalier. Nous évoluons dans un espace francophone mais aussi plurilingue et la littérature de demain se fera nécessairement par adaptation et expression de ce plurilinguisme. Loin de nous l’idée d’une vison franco-centrée de la littérature ».
« M ap veye mouche Leta
M pare menm anba djòl li
M ap tann on ti gout krache lespwa
M ap tann li di m rantre avan krache chèch »
Extrait de Krache San, poème de Nitza Cavalier.
« M ap veye mouche Leta
M pare menm anba djòl li
M ap tann on ti gout krache lespwa
M ap tann li di m rantre avan krache chèch »
Extrait de Krache San, poème de Nitza Cavalier.
Dans ce poème en créole l’auteure fustige l’incurie du pouvoir qui pousse les gens à l’exil. Le lecteur découvrira sur ce site moult publications où tous les genres littéraires s’expriment : poésie, théâtre, nouvelles, extraits de romans… On y verra aussi de nombreuses œuvres d’une plasticienne, Virgine Petratos, ainsi que des photographies de diverses personnes qui collaborent ponctuellement avec Oyapock (Alizée Thomas, Drew).
Régulièrement, la revue Oyapock organise des lectures publiques, et produit des spectacles d’adaptations littéraires avec l’aide et le soutien de l’association de conteurs Zoukouyanyan.
En parcourant le site le lecteur découvrira une polyphonie de tons et d’univers. En effet, la Revue ne possède pas de ligne éditoriale précise ou de manifeste en dehors du lien entre les textes et l’espace culturel Caribéen – Amazonien. Mais c’est justement dans cette ouverture sur un espace complexe et à travers l’interdépendance culturelle entre ses nations que s’investit l’espace de publication d’Oyapock. Les auteurs ne se regroupent pas autour d’une langue unique, d’une idée, d’une nation ou d’une histoire identique. Ils forment un réseau de discussion et d’échanges. A l’image d’une revue numérique, gratuite et dont le sous-titre est Revue entre deux-rives.
« Toute trace se signe au moment où la nuit tombe, quand la pleine lune se livre aux confins. Quels que soient vos confins. Dans ces confins de forêt abrupte où la trace de l’homme disparaît plus vite qu’une fiente de mouche, l’écriture – comme une sente de fourmi- existe.
Comme la dernière goutte grise de la pluie. Comme la fumée qui sort du sol humide – l’écriture existe et juste ensuite n’existe plus, incandescente et éphémère, loin du travail premier de l’écriture. Les hommes se dispersent sur des routes incertaines et complexes. La forêt océane, autour, dans un murmure assourdissant, disparaît. Nous écrivons au milieu d’un début de ruines. Au pouls d’un cataclysme fantasmé, comme au bout de nous-même et aux témoins de toutes traces que nous pourrons semer. »
Extrait de Trois bougies noires d’Alexandra Cretté, texte liminaire de la Revue littéraire Oyapock.
« Toute trace se signe au moment où la nuit tombe, quand la pleine lune se livre aux confins. Quels que soient vos confins. Dans ces confins de forêt abrupte où la trace de l’homme disparaît plus vite qu’une fiente de mouche, l’écriture – comme une sente de fourmi- existe.
Comme la dernière goutte grise de la pluie. Comme la fumée qui sort du sol humide – l’écriture existe et juste ensuite n’existe plus, incandescente et éphémère, loin du travail premier de l’écriture. Les hommes se dispersent sur des routes incertaines et complexes. La forêt océane, autour, dans un murmure assourdissant, disparaît. Nous écrivons au milieu d’un début de ruines. Au pouls d’un cataclysme fantasmé, comme au bout de nous-même et aux témoins de toutes traces que nous pourrons semer. »
Extrait de Trois bougies noires d’Alexandra Cretté, texte liminaire de la Revue littéraire Oyapock.
Pour aller plus loin :
- Alexandra Cretté, Nitza Cavalier, Jean James Junior Rolph, Dorvil Rossiny, "Présentation de la revue littéraire Oyapock" http://www.manioc.org/fichiers/V22037
- La revue Oyapock https://www.oyapockrevuelitteraire.com/