Le Brésil, si proche, si loin... Du Contesté à la contestation...
Ça n'est pas tous les jours que l'histoire de nos départements d'outre-mer s'invite dans les inquiétudes géopolitiques du moment. Mais comment, depuis ce dimanche 29 octobre, face au large plébiscite qui a propulsé à la tête de l'Etat brésilien un Jair Bolsonaro aux ambitions aussi rétrogrades qu'intolérables, comment ne pas songer à la proximité géographique et culturelle qui unit, à travers la Guyane, la France et le Brésil ?
La liste est longue des minorités auxquelles ce militaire en retraite nostalgique de la dictature promet un sort expéditif et sanglant. Prévenant, il a même théorisé sa position sur la question bien avant d’être élu, afin que nul n'en ignore : « Les minorités doivent s’intégrer ou tout simplement disparaître devant les majorités ! La loi doit exister pour défendre les majorités. »
Femmes, défenseurs de l'environnement, Amérindiens, paysans sans terre, Afro-descendants, LGBT, gauchistes de toutes obédiences, sans oublier la presse... Suspendus à des lendemains aussi angoissants, il n'est pas interdit de penser que certains de ses parias désignés aussi violemment se poseront très prochainement la question de l'exil avec, peut-être, en perspective, symbole de terre d'accueil, la frontière de cette France tropicale si proche. A la faveur de cette actualité peu réjouissante, il y a quelque intérêt à rappeler ce que cette frontière entre les deux Etats - la plus longue que la France entretienne avec un autre pays : 730 km de longueur- doit à un épisode peu ou mal connu de notre histoire.
C'est en 1900, au terme d'une bataille de territoire de plusieurs décennies, et grâce aux bons offices de la Suisse, que la question de la délimitation de la frontière entre le Brésil et la Guyane française a été réglée, faisant du fleuve Oyapock le point de démarcation. Cette controverse diplomatique nourrie, qui plonge ses racines dans l'histoire coloniale, porte le nom de Contesté franco-brésilien, chaque puissance revendiquant avec constance, notamment pour des raisons stratégiques d'accès au fleuve Amazone, un découpage du territoire différent de celui acté par le traité d'Utrecht de 1713 (le Brésil, devenu indépendant en 1822, étant alors possession portugaise). Autant que le litige lui-même, le terme « Contesté » désigne donc cette zone de centaines de kilomètres carrés érigée provisoirement, de fait, dans l'attente de l'arbitrage de 1900- qui se révéla finalement plus favorable aux revendications brésiliennes qu'aux françaises-, en territoire neutre, sorte de non man's land fort prisé, dit-on, des bagnards et esclaves en fuite...
Dans un article très éclairant, la revue Outre-Mer. Revue d'histoire revient en détail sur cette affaire passionnante. En complément, Manioc vous propose ci-dessous, sur le même sujet, une sélection de documents extraits de ses collections.
Livres anciens sur Manioc.org
- E. Rouard de Card, Le différend franco-brésilien relatif à la délimitation des Guyanes, 1897.
- E. Maurel, De nos droits sur le territoire contesté franco-brésilien, 1898.
- Sentence du conseil fédéral Suisse dans la question des frontières de la Guyane française et du Brésil : du 1er décembre 1900.
- Frontières entre le Brésil et la Guyane française : Mémoire présenté par les Etats unis du Brésil au gouvernement de la Confédération suisse, arbitre choisi selon les stipulations du traité conclu à Rio de Janeiro, le 10 avril 1897 entre le Brésil et la France. Tome premier, 1899.
Vidéo sur Manioc.org
- Denis Lamaison, La nouvelle Guyane, terre promise coloniale (1858 - 1900), Extrait de : "Terres promises, représentations et imaginaires" : Colloque, 25, 26 et 27 novembre 2015. Université des Antilles.