Le jardin botanique de Saint-Pierre
Avant la fondation du jardin des plantes de Saint-Pierre, il existait trois jardins botaniques dans l'archipel des Antilles : celui de Saint-Vincent (1765), le petit Bath Garden en Jamaïque (1775) et le Royal Botanic Garden à Trinidad (1788).
C'est l'intendant François-Joseph de Foulquier qui proposa au roi, en 1786, la création d'un jardin botanique à Saint-Pierre. Mais le roi ne donna pas suite à sa demande. Foulquier était le fils d'un négociant. D'abord nommé intendant à Saint-Domingue, en Guadeloupe puis en Martinique en 1785.
Le jardin fut créé le 30 pluviôse an XI (19 février 1803). Il semblerait que Joséphine de Beauharnais ne soit pas étrangère à cette décision. Rappelons que l'impératrice était née en Martinique et qu'elle se passionnait pour la botanique. De plus, la France souhaitait créer un jardin majestueux pour faire rayonner la botanique française dans la Caraïbe. Inauguré en 1803, le jardin se situait entre la route du Morne Rouge et les falaises du Morne Parnasse, à 10 minutes de marche de la ville de Saint-Pierre. Ce terrain était une ancienne propriété des sœurs Ursulines.
Le texte de sa création fixait en détails les objectifs suivants :
- L'amélioration et l'accroissement de la culture de toutes les plantes utiles, natives, ou exotiques, épices, fruits... qui se trouvent dans la colonie
- Introduire et acclimater les plantes étrangères ayant des relations avec la végétation locale
- Enrichir l'agriculture locale
- Faciliter l'étude de la botanique
- Instruire les habitants dans l'utilisation et l'application des méthodes de culture
- Produire et échanger des produits avec les pays étrangers
- Distribuer aux pauvres les plantes médicinales locales
- Fournir au Jardin des Plantes de Paris et aux autres colonies françaises les plantes qui leur manquent et qu'ils souhaitent posséder.
La fonction première du jardin des plantes était scientifique. Son rôle était de favoriser la naturalisation et la culture des arbres et des plantes utiles à la colonie, susceptibles de devenir une richesse pour celle-ci. Ainsi, une partie du jardin était réservée à l'école de botanique. Plusieurs pépinières furent créées dans le but de multiplier les plantes et d'améliorer certaines espèces (médicinales par exemple).
« Les plantes vivantes et les graines que nous avons apportées d'Europe, celles qui, grâce au concours du Gouvernement, nous sont parvenues du Sénégal, de l'Inde et de l'Algérie, les végétaux que nous avons reçus des jardins botaniques avec lesquels nous avons établi des relations d'échange, enfin nos excursions dans l'île nous ont permis d'enrichir la collection du jardin de Saint-Pierre de quatre cent cinquante espèces entièrement nouvelles. » (Revue coloniale : extrait des Annales maritimes et coloniales, Paris, Imprimerie et librairie administratives de Paul Dupont, 1857, p. 218.)
Le jardin botanique de Saint-Pierre entretenait de nombreuses relations d'échanges avec les jardins botaniques de Saint-Vincent, de la Jamaïque, d'Algérie, du Sénégal, du Gabon et de France (Toulon, Montpellier, le Muséum de Paris). En 1856, le jardin botanique comptait pas moins de 1200 espèces de plantes !
« La collection botanique se trouve [...] composée aujourd'hui de mille deux cents espèces au lieu de sept cent cinquante qu'elle possédait au 1er janvier 1853". [...] Nous avons envoyé dix collections composées de sept cent cinquante paquets ou flacons de graines et appartenant à deux cent soixante espèces aux jardins botaniques de la Trinité et de la Jamaïque auxquels nous devons, surtout à ce dernier, des plantes fort rares; au jardin de naturalisation du Gabon, dont les envois en graines sont si remarquables par le soin apporté à leur préparation et à leur conservation à la pépinière centrale de l'Algérie, aux jardins botaniques de Rochefort, Toulon et Montpellier, soit directement, soit par des intermédiaires...» (Revue coloniale : extrait des Annales maritimes et coloniales, Paris, Imprimerie et librairie administratives de Paul Dupont, 1857, p. 223 et 226.)
Plus d'une quinzaine de directeurs se sont succédé à la tête de l'institution. Le plus illustre fut le botaniste Charles Bélanger (1805-1881) qui a su redonner au jardin ses lettres de noblesse.
Le jardin sera détruit lors de l'éruption de la montagne Pelée le 8 mai 1902. Malheureusement le jardin des plantes ne fut pas reconstruit, il devint une légende, seuls les écrits de voyageurs, de journalistes, de romanciers, de botanistes nous rappellent l’existence de ce patrimoine botanique magnifique comme en témoignent les écrivains Lafacdio Hearn, Philémon Césaire ou Louis Garaud.
« A la sortie de la ville sur la route du Morne-Rouge, on pouvait admirer immédiatement après les Trois-Ponts, le Jardin Botanique célèbre dans toutes les Antilles par ses riches collections et les merveilles de sa végétation » (Philémon Césaire, La Montagne Pelée et l'effroyable destruction de Saint-Pierre (Martinique) le 8 mai 1902 : le brusque réveil du volcan en 1929, Paris, Impressions Printory et Georges Courville, 1930, p. 58.)
« Le jardin de Saint-Pierre est une des merveilles du monde, mais une merveille inconnue. On y jouit de tous les enchantements qu'offre une forêt vierge. » (Louis Garaud, Trois ans à la Martinique, Paris, Alcide Picard et Kaan, 1895, p. 179.)
Sur Manioc :
- Lafcadio Hearn, Two years in the French West Indies, New-York and London, Haroer & Brothers publishers, 1890. Plusieurs description du jardin, illustrées par quelques gravures et un paragraphe relatant du danger des serpents que l'on peut rencontrer lors d'une promenade dans le jardin botanique.
- Philémon Césaire, La Montagne Pelée et l'effroyable destruction de Saint-Pierre (Martinique) le 8 mai 1902 : le brusque réveil du volcan en 1929, Paris, Impressions Printory et Georges Courville, 1930.
- Louis Garaud, Trois ans à la Martinique, Paris, Alcide Picard et Kaan, 1895.
Sur Gallica :
- Revue coloniale : extrait des Annales maritimes et coloniales, Paris, Imprimerie et librairie administratives de Paul Dupont, 1857, 616 pages. La partie consacrée au jardin botanique de Saint-Pierre se trouve à la page 205.
- Journal officiel de la Martinique, Fort-de-France, [s.n.], 1902. Dans ce journal vous pouvez consulter la liste des plantes que l'on cultivait pour la vente.
- Édouard Charton, Le Magasin pittoresque, Paris, [s.n.], 1870, à la page 314, un paragraphe sur l'histoire du jardin botanique de Saint-Pierre.
Bonne lecture !