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Le manioc s'expose au Musée des cultures guyanaises à Cayenne

Camel Boumedjmadjen
15 décembre 2016
On a coutume d’identifier quatre grandes civilisations agri-culturelles : la civilisation du mil, du blé, du riz et enfin du maïs (qui a d’ailleurs gravement souffert des activités de l’industrie chimique). L’exposition consacrée au manioc qui se tient jusqu’au 17 juin 2017 au Musée des cultures guyanaises à Cayenne vient nous rappeler que l’histoire agri-culturelle de l’humanité s’est enrichie   d’une cinquième civilisation grâce à cette autre plante.
Dessin de racines de manioc
Racines de manioc (source Manioc)
Dessin de femmes rappant du manioc

 

Au-delà de l’évidente et riche question alimentaire, l’exposition aborde les multiples usages de la plante dans l’histoire locale guyanaise, de la pharmacopée aux mythes et contes en passant par l’artisanat, elle souligne en somme que le manioc est un « fait social total ».

Gilberto Freyre dans Maîtres et esclaves : la formation de la société brésilienne, illustre ce caractère civilisationnel du manioc en évoquant la diffusion de ses usages à l’ensemble des populations, la plante devient alors creuset de la nation brésilienne en formation :   

 

« La nourriture préparée par les femmes consistait surtout en pâte ou farine de manioc. Gabriel Soares vit, vers 1500, les Indiens râpant des racines de manioc jusqu'à ce qu'elles deviennent blanches :  « après les avoir lavées, ils les râpent avec une pierre ou une râpe à cet usage, puis ils en expriment le jus à l'aide d'un moulin de palmier qu'ils appellent tapitim et lorsque la pâte est bien sèche, ils en font la farine qu'ils mangent, cuite en une terrine à cet effet; on y met la pâte, on la fait sécher sur le feu, tandis qu'une Indienne la remue avec une moitié de calebasse, comme quand on fait des dragées, et cela jusqu'à ce qu'elle soit tout à fait sèche, sans un brin d'humidité, comme du couscous; mais plus blanche, et c'est ainsi qu'on la mange, elle est très douce et savoureuse » .

 

Les colons adoptèrent la farine de manioc à la place du pain de blé ; les propriétaires ruraux préférant la farine fraîche au début, celle que l'on faisait tous les jours. Gabriel Soares dit à ce sujet que « le manioc est plus sain et meilleur que le bon blé et d'une digestion plus facile. La preuve en est que Tomé de Sousa, D. Duarte et Men de Sa ne mangeaient plus de pain de blé au Brésil, car ils ne s'en trouvaient pas bien, et beaucoup d'autres personnes en font autant ».

 

La victoire du manioc indigène sur le blé fut complète; il devint la base de l'alimentation du colon (malheureusement sans avoir la valeur nutritive et la digestibilité que lui suppose l'ingénuité de Gabriel Soares). Encore aujourd'hui le manioc est l'aliment fondamental du Brésilien et la technique de sa fabrication reste, pour une grande part de la population, la même que celle des indigènes. A l'extrême Nord, la farine préférée est celle dite d'eau; voici comment les cabocles la préparent d'après H. C. de Sousa Araujo : « La macération est terminée lorsque le manioc se détache de son écorce, on le transporte alors dans des tipiti pleins d'eau, où on le laisse quelques jours. Quand il est bien mou, on le brise et on le râpe, on met la pâte dans de longs cylindres de jonc tressé ou de roseaux. Ces tipiti ont de un mètre et demi à deux mètres de longueur et sont suspendus au faite de la maison, une fois bien remplis, avec une pierre attachée à leur extrémité inférieure. Quand le suc du manioc, nommé tucupi, cesse de couler, on enlève cette pâte amylacée, on la fait sécher, puis on la porte au four. Cela donne une farine grossière, formée de boulettes dures, difficiles à mâcher». Au Nord-Est on préfère la farine « sèche », appelée autrefois « de guerre » et on la prépare comme à l'extrême Nord avec des « corbeilles tubulaires élastiques faites de feuilles de palmier », selon la définition de Teodoro Sampaio.

L'utilisation du manioc dans la cuisine indigène était d'une riche variété et bien des produits, préparés autrefois par les mains rougies des Indiennes, sont faits aujourd'hui par les mains blanches, brunes, marron ou noires des Brésiliennes de toutes les origines et de tous les sangs. La Brésilienne a appris de l'Indienne l'art des plus exquises friandises de manioc : la farine fine, de carima pour le bébé; la bouillie; le mbeiu ou beiju… ».  (Maîtres et esclaves : la formation de la société brésilienne. Editions Gallimard, p.132-133).

Manioc (qui n’a jamais été si bien nommé) vous propose donc de préparer et d’accompagner votre future visite de l’exposition en consultant les documents suivants :

 

 

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Bonne lecture !

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