Une source en or : les photographies d'identité dans les registres de licences personnelles [1922-1924]
Manioc propose dans ses collections numérisées deux registres de licences personnelles rédigés dans les années 1920. Ces deux registres conservés étaient tenus par le bureau des douanes de Saint-Laurent-du-Maroni. Ils consignaient les personnes autorisées à travailler dans des concessions d’or de Guyane. Les registres s’organisaient en quelques colonnes renseignant notamment le nom et le prénom du demandeur, souvent un lieu d’origine et un âge, la date de délivrance de la licence et le lieu de l’engagement. Si ces registres sont exceptionnels, c’est parce qu’ils permettent de recenser individuellement une partie des orpailleurs en Guyane.
Des « bricoleurs » venus des quatre coins du monde
À partir des années 1880 et pour près d’un demi-siècle, l’exploitation aurifère est devenue la principale production de la Guyane. Ainsi, alors que la population n’était que de 18 000 habitants en 1876, elle s'élevait à 44 202 personnes en 1921, dont environ 11 000 chercheurs d’or. Les orpailleurs se répartissaient en deux grandes catégories : les « bricoleurs » et les « maraudeurs ». Contrairement aux maraudeurs, les bricoleurs étaient munis de documents officiels les autorisant à effectuer des recherches. Ils étaient titulaires d’une licence personnelle les autorisant à extraire de l’or sur les terres du Domaine. Les deux registres recensent 1 454 personnes ; c’est ainsi environ 13 % des orpailleurs de l’époque que nous pouvons mieux connaître. La découverte de gisements a attiré des milliers d’immigrants spontanés souvent pauvres et peu instruits. Les deux registres montrent qu’ils venaient parfois de bien loin. Certaines personnes étaient certes nées en Guyane ou dans les territoires alentour (Demara, Berbice...) ; mais d’autres arrivaient des Antilles françaises (Martinique, Guadeloupe, Marie-Galante...) et aussi de toute la Caraïbe (la Dominique, Sainte-Lucie, la Grenade, Trinidad...). Parfois même, l’immigration de Cochinchine laisse apparaître un ressortissant plus lointain tel qu’Ho-a-Pian né à Canton et âgé de 56 ans.
Environ 1400 portraits d’orpailleurs
Surtout, les registres consignent des photos d’identité. Quelque 1400 portraits d’hommes et de femmes ont été extraits du registre avec leurs noms. Rares sont ceux qui ont fait fortune. En effet, les bricoleurs travaillaient sur des concessions dont ils n’étaient pas les propriétaires. Ils s’engageaient à verser un pourcentage de leur production d’or au concessionnaire à titre de location, mais souvent ce procédé fut abandonné ou doublé d’un autre système qui obligeait les bricoleurs à acheter leurs vivres et leurs outils dans le magasin d’approvisionnement du concessionnaire. Les achats devaient être réglés en or et pouvaient même être passés à crédit sur la production espérée. L’essentiel des bénéfices allait ainsi au concessionnaire et les bricoleurs risquaient vite l’endettement. Quelques photographies ont été détériorées par les affres du temps et ne sont plus visibles, mais pour de nombreuses autres, on peut découvrir le visage de ceux et celles qui, parfois poussés par la fièvre de l’or, parfois faute de mieux, venaient travailler le long du fleuve.
Ho-a-Pian
Ponchateau Julie M. J.
Paper Wesillia Willie
Moe Vernon
Rétroblog
- La fièvre de l'or en 2015
- Les "Mines d'or" de Manioc en 2014
Livres anciens sur Manioc.org
- Registre de licences personnelles de 1921 à 1922, [s.l.], 1922.
- Registre de licences personnelles de 1922 à 1924, [s.l.], 1924.
Images : les photos d'identités tirées des registres
- [Registre de licences personnelles] de 1921 à 1922 partie 1
- Registre de licences personnelles de 1921 à 1922 partie 2
- Registre de licences personnelles de 1922 à 1924 partie 1
- [Registre de licences personnelles] de 1922 à 1924 partie 2
Aller plus loin
- Mam-Lam-Fouck (Serge), La Guyane française : au temps de l'esclavage, de l'or et de la francisation (1802-1946), 1999.