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Le corps en performance dans le Carnaval : corps colonisé / corps libéré ?

Marvin Fabien
20 février 2018
L'homme de la Caraïbe a longtemps souffert des normes sociales en relation avec son corps. Son corps semble directement lié à une pratique répressive normative du système colonial dans lequel l'identité culturelle et corporelle dans l'environnement a été négligée. Auparavant, les corps des esclaves étaient vus comme des objets, des corps outils qui facilitent la production dans l’industrie. Afin de dépasser son passé colonial qui le hante, l'homme de la Caraïbe a dû se réinventer. Cette réinvention passe notamment par le Carnaval. 
Le roi nègre et le capitaine, ayant fait mettre deux esclaves sur leurs genoux, s'étaient assis sur leurs dos
Le roi nègre et le capitaine, ayant fait mettre deux esclaves sur leurs genoux, s'étaient assis sur leurs dos

Cette expression culturelle est devenue un espace adapté pour un « corps en performance » c’est-à-dire pour un carnavalier, d’affirmer les problèmes humains, existentiels et sociaux. 

Toutefois, en examinant les gestes d’un corps en action pendant le carnaval, il est possible d'en déduire une proche ressemblance à l’art performance.

L’Art Performance implique l’entreprise d’une action ou d'actions par un artiste où le corps de l'artiste est le médium artistique. Au cœur du processus et de l'exécution de l’Art Performance est la présence en direct de l'artiste et des actions réelles de son corps, afin de créer et de présenter une expérience artistique éphémère à un auditoire. La caractéristique déterminant de l’Art Performance est le corps, considéré comme le principal moyen et matériel conceptuel sur lequel repose l’Art Performance. 

Afin de développer ce sujet, il s’agit ici de confronter le corps dans le carnaval caribéen à l’Art Performance. Cela dans le but d’interroger les audiences en les forçant à réévaluer leurs propres notions de l'art et leur relation à la culture.

Le carnaval est un espace syncrétique où le corps interagit avec les cultures et les coutumes religieuses, qui fusionnent et forment une expression souvent destinée à la moquerie de la hiérarchie oppressive et à l'introduction d’un certain « Humour » dans la société. La vivacité et l’exubérance de ces corps carnavalesques retranscrivent et revisitent, non seulement les mœurs de la société post-coloniale d’aujourd’hui, mais aussi les gestes et les mouvements des anciens esclaves. Cependant, les expressions du corps ne sont jamais les mêmes. Elles se moulent sur les évolutions de la société, et sont empreintes des nouveautés. Ce qui se retrouve également dans le domaine de L’Art Performance.  Le corps participant au carnaval peut être considéré comme un corps en performance étant en interaction avec l'environnement carnavalesque immédiat mais aussi avec le passé historique et culturel chargé dans cet environnement.

Le Carnaval et l’Art Performance partagent le fait d’être des formes d’expression « en direct ». Néanmoins, les corps dans ces deux catégories s'expriment à travers des mouvements, des danses, des chants, des cris et parfois des actes physiques de violence. Enfin, le corps participant au carnaval engage, incite, et créé un espace poreux qui questionne les frontières entre l’Art Performance et la culture.

Sur Manioc :

  • Annabel Guérédrat, Marvin Fabien, DJ Bostic, Guillaume Bernard, Performance " Hysteria " Discrimination genrées/ raciales dans la danse, danse/théâtre, performance martiniquaises, Journées d'études, le 30-31 mai 2017. Université des Antilles.
  • Jean-Hugues Miredin, Laurent Troudart, Tricia Moore, Ina Boulange Michel Béroard, Fred Lagnau, David Gumbs, DéamBUlation - Performance Pluri-Artistique, " DéamBUlation - Performance Pluri-Artistique " : Les rencontres de la Bibliothèque universitaire, le 19 mai 2015. Université des Antilles et de la Guyane.
  • Rosuel Debibakas Lima-Pereira, Bernadette Rogliano-Desideri Audrey Bricout, Agnès Rogliano-Desideri, " Carnaval ou le bal masqué des femmes et de la mort ", Bals masqués de Guyane et d'ailleurs. Identités et imaginaires carnavalesques en question. 2017, Université de Guyane.

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