actualités

Les bibliothèques de la Caraïbe soutiennent les objectifs de développement durable (ODD)

Anne Pajard
15 juin 2019
ACURIL 2019 : les bibliothécaires de la Caraïbe à Aruba. Comment les professionnels des bibliothèques, musées, archives, soutiennent-ils ou peuvent-ils soutenir les objectifs 2030 du développement durable (ODD) ? C’est la question autour de laquelle se sont rencontrés les professionnels des bibliothèques, archives et musées du 2 au 6 juin 2019 lors du 49e congrès annuel de l’association des bibliothèques de la Caraïbe (ACURIL) à Aruba. Le blog Manioc vous propose une présentation des ODD ainsi qu'une synthèse des idées partagées pendant ce grand événement qui a rassemblé plusieurs centaines de professionnels venus de toute la Caraïbe.
Affiche sur le développement durable
Objectifs de développement durable

Les objectifs 2030

Le choix de ce thème pour la conférence ACURIL a permis de sensibiliser largement les professionnels de la Caraïbe a une problématique  mondiale qui constitue un enjeu de premier ordre pour nos territoires vulnérables particulièrement affectés par les déséquilibres environnementaux, économiques, sociaux et politiques planétaires. Les bibliothèques, archives et musées touchent tous les publics (bébés, scolaires, étudiants, adultes, seniors...) de toutes les catégories sociales et origines. Elles constituent un maillage territorial dense qui en font des acteurs de premier plan, capables de faire connaître les objectifs de développement durable (ODD) et de stimuler les fortes capacités de résilience des populations caribéennes.

>> Les ODD, l'agenda des Nations Unies

Photographie d'ouverture du congrès Monique Alberts, Présidente du congrès ACURIL 2019

Les Nations Unies ont déterminé 17 objectifs de développement durable (ODD) pour « sauver le monde ». Ils définissent « la marche à suivre pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous », pour répondre : 

« aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés, notamment ceux liés à la pauvreté, aux inégalités, au climat, à la dégradation de l’environnement, à la prospérité, à la paix et à la justice. Les objectifs sont interconnectés et, pour ne laisser personne de côté, il est important d’atteindre chacun d’entre eux, et chacune de leurs cibles, d’ici à 2030. » 

Ces objectifs sont déclinés en 169 cibles et en 232 indicateurs qui permettent à chacun d'agir concrètement et de mesurer les progrès accomplis.

Ministres, conférenciers caribéens et internationaux ont présenté ces objectifs et livré leurs perspectives théoriques, méthodologiques et pratiques sur des aspects généraux et spécifiques : économie circulaire, souveraineté alimentaire, éradication de la pauvreté, protection de l'environnement avec les parcs marins, importance des savoirs-faire traditionnels et de leur transmission... Ces visions ont été complétées par les expériences concrètes menées par les professionnels des bibliothèques, musées et archives dans des contextes très éclectiques. Chacun aura pu y puiser inspiration et idées à mettre en oeuvre à son retour !  

Toutes les interventions ont souligné le rôle fondamental de l'accès à l'information pour tous pour atteindre les ODD ; une dimension transversale essentielle qui se décline de façon extrêmement diverse selon les contextes, publics, missions et projets de chacun.

Comment faire connaître les ODD aux publics et professionnels ?

Quelques idées simples et faciles à mettre en oeuvre pour faire connaître les ODD :

  • diffuser des sélections bibliographiques en ligne et dans les bibliothèques à l'instar de la bibliothèque numérique Manioc et des bibliothèques de l'Université des Antilles, 
  • organiser des expositions sur les ODD et/ou sur des thèmes spécifiques, avec par exemple la sensibilisation à la sécurité alimentaire présentée par un Professeur du Mexique,
  • organiser des conférences, comme le pratique la Bibliothèque nationale d'Aruba avec son symposium annuel sur l'éducation durable, 
  • former les professionnels,
  • proposer des lectures, créations, jeux pour tous,
  • agir concrètement dans sa bibliothèque ainsi que l'a proposé un atelier animé par une intervenante des bibliothèques de l'Université des Antilles,
  • ... 

Toutes les techniques peuvent être utilisées pour permettre à chacun de s'approprier ces enjeux et de devenir acteur du développement durable.

Les compétences informationnelles de base : une nécessité pour favoriser l'équité et lutter contre l'exclusion

Dans le monde contemporain, pour accéder à la santé, à l'éducation, réussir ses études, participer contribuer à la vie sociale, politique et économique, environnementale, jouir de ses droits, améliorer sa condition et agir en citoyen éclairé, il faut pouvoir accéder à l'information. Pour ce faire, il faut non seulement savoir lire, écrire et compter, mais également aujourd'hui, avoir accès à du matériel informatique, à une connexion internet et être capable d'utiliser des technologies et dispositifs plus ou moins complexes selon sa situation et ses besoins. Au-delà de l'alphabétisation et des programmes traditionnels de lutte contre l'illettrisme, les bibliothèques contribuent aujourd'hui aux ODD en accompagnant leurs publics dans l'acquisition des compétences informationnelles de base (information literacy) afin de lutter contre l'exclusion et de permettre aux citoyens de développer leurs capacités à tous les niveaux. Pour un individu, les compétences informationnelles de base consistent en la capacité d'identifier l'information requise pour chaque situation et de disposer d'un éventail de compétences pour la localiser, l'évaluer et l'utiliser en réponse à ses besoins. Les besoins et compétences sont donc extrêmement diversifiés selon les publics et le contexte.

 

>> Mettre en place des programmes appropriés pour lutter contre l'exclusion sociale

A l'instar de plusieurs exemples présentés tels que les bibliothèques locales néerlandaises ou le projet « Enlace » à Porto Rico, les bibliothèques peuvent mettre en place des services d'assistance individualisée pour accompagner les publics vulnérables dans les démarches quotidiennes qui doivent s'effectuer sur internet (demande d'aide, impôts...) et des formations en groupe pour développer les compétences de base et devenir autonome. Elles luttent ainsi contre la fracture numérique qui contribue à l'exclusion sociale. Les expériences présentées à ACURIL ont montré l'importance de l'adaptation des programmes aux publics. Par exemple, lorsque les publics ont été déscolarisés jeunes ou peuvent avoir une certaine méfiance face aux institutions, les relations en face à face en présentiel, et à distance l'usage du téléphone, permettent d'instaurer des relations interpersonnelles de confiance. Les enfants, via les bibliothèques scolaires, peuvent constituer un lien pour toucher ces publics adultes qui ne fréquenteraient pas spontanément les établissements culturels et qui ont pourtant un besoin crucial de cet accompagnement.

 

>> Développer les compétences informationnelles de base pour les publics universitaires

Aujourd'hui, les étudiants, enseignants et chercheurs doivent maîtriser des outils complexes et spécifiques à leurs disciplines pour faire leurs recherches, publier, diffuser leurs travaux et mesurer leur impact. Les bibliothèques universitaires et les bibliothèques spécialisées sont nombreuses à proposer un accompagnement individualisé (à l'instar du service de référence en ligne présenté par la bibliothèque de droit de l'Université de Porto Rico) et des formations spécifiques pour répondre à ces besoins, à différents niveaux, de la première année d'étude supérieure à la recherche : formation à l'utilisation des bases de données, à la bibliométrie ou encore à l'éthique dans les pratiques de recherche qui utilisent les données des réseaux sociaux. De nombreux exemples ont ainsi été présentés, des bibliothèques de l'Université du Guyana, à la bibliothèque médicale de Floride en passant par l'Université des West Indies, campus de Trinidad et Tobago. 

>> Aller plus loin : les technologies, des compétences de base pour les futures générations ?

Photographie visite du "Makerspace" mobile

Et oui, pour les futures générations, la chaîne de création numérique fait aussi partie des nouvelles compétences de base pour les sciences et les technologies ! Pendant ce congrès, les professionnels des bibliothèques, archives et musées, auront également pu visiter le Makerspace d'Aruba. Il s'agit d'un camion itinérant qui parcourt tous les établissements qui relèvent de l'éducation, du primaire à l'université, et permet à tous les jeunes de découvrir la création et l'impression 3D, la programmation informatique, la base des connaissances en électricité ou encore des jeux basés sur des capteurs de l'activité cérébrale. 

Publier l'information et la rendre visible : un rôle fondamental des professionnels de l'information

Outre les compétences de base, pour accéder à l'information sur tous les objectifs et thèmes spécifiques du développement durable, encore faut-il qu'elle soit disponible, qu'elle puisse être localisée par les citoyens et décideurs, et qu'ils puissent y accéder le plus facilement possible, sans que le coût ne soit un frein. Les bibliothèques, archives et musées jouent un rôle essentiel à tous les niveaux de la collecte à la mise en ligne, en passant par l'enrichissement des contenus. 

L'un des deux ateliers animé par une intervenante des bibliothèques de l'Université des Antilles montrait et soulignait l'importance de la mise à disposition du patrimoine antillais pour contribuer à un accès plus équitable à l'information et renforcer la justice cognitive en permettant à chacun de voir sa culture documentée et représentée à diverses échelles. Quelques exemples en libre accès proposés par la Bibliothèque numérique Manioc, comme Tramil (sur l'usage médicinal des plantes dans la Caraïbe), les bases dédiées aux personnes esclavisées ou encore la collection Écritures contemporaines Caraïbe-Amazonie, ont illustré le propos.

 

A l'instar de Manioc, de nombreux établissements ont choisi de mener des projets collaboratifs pour parvenir à une meilleure diffusion des connaissances sur la Caraïbe : c'est notamment le cas de la base MedCaribe du réseau Bireme hébergée par la BVS, en santé, présentée par la Bibliothèque de l'UWI (Trinidad et Tobago), ou encore de la Bibliothèque numérique Dloc (Floride) à travers l'exemple d'un projet dédié à Cuba. L'importance de la production de l'information et de son traitement pour la rendre plus accessible, via des métadonnées et les modalités de diffusion a été largement soulignée. 

La présentation d'un ouvrage sur la décolonisation des archives dans la Caraïbe invitait également à questionner ce qui fait archive, ce qui reste largement invisible, le contexte de production et modalités selon lesquelles la collecte et le traitement des archives impactaient les représentations et les connaissances construites.

Certains intervenants ont également mis en exergue d'autres freins pour améliorer l'accessibilité, comme les droits de propriété intellectuelle, qui peuvent constituer des obstacles à la reproduction et à la diffusion des documents. Les plaidoyers en faveur du droit à l'information pour les bibliothèques, à l'instar de la Déclaration de Lyon n'en sont donc que plus importants.

Toutes les interventions ont souligné l'urgence de la situation et la nécessité d'associer tous les acteurs pour œuvrer efficacement : décideurs, professionnels de l'information et de la culture, mais également -comme l'a rappelé un conférencier venu de Sainte-Lucie-, paysans, fermiers, pêcheurs, conteurs, danseurs, musiciens, poètes, écrivains (...) ; en somme tous les détenteurs et passeurs de savoirs qui préservent la diversité des langues et cultures et de leur environnement. Cette vision holistique du développement durable a conquis les congressistes. La bibliothèque est sans conteste un carrefour, ou un sanctuaire privilégié pour stimuler ces dynamiques collectives créatrices de sens et de lien social.

Note : il n'a pas été possible de citer le nombre important d'intervenants. Nous invitons ceux qui souhaitent les retrouver à consulter le programme en ligne. Vous pouvez également consulter l'album photo en ligne.

ACURIL, c'est aussi, l'opportunité de confronter les pratiques professionnelles

Photographie Atelier restauration aux Archives nationales

Outre les échanges, les visites de bibliothèques, archives, musées et autres établissements culturels organisées pendant le congrès ACURIL permettent aux professionnels de confronter leurs pratiques, de découvrir de nouveaux services et de développer leur connaissance des collections caribéennes.

Rendez-vous en 2020 au Bahamas et en 2021 en Jamaïque

Le congrès ACURIL 2020 se déroulera aux Bahamas avec pour thème le Design thinking. Le congrès 2021 sera accueilli par la Jamaïque sous la présidence des Antilles françaises.

Si vous souhaitez développer vos compétences, vous enrichir d'expériences diverses, faire rayonner les projets de votre établissement et la culture de votre territoire, mieux connaître la diversité culturelle et linguistique de la Caraïbe, échanger avec des collègues venus des quatre coins de la région et d'ailleurs, rendez-vous aux prochains congrès ACURIL !

Pour aller plus loin

 

>> Les bibliothèques et le développement durable : ressources et outils

 

>> Quelques ressources en libre accès sur le développement durable dans la Caraïbe

 

La bibliothèque numérique Manioc propose une centaine d'interventions filmées sur divers aspects du développement durable : éducation, gestion et protection des ressources naturelles, tourisme, gouvernance... Rendez-vous sur Manioc.org pour enrichir vos connaissances !

Masha danki ("merci beaucoup" en papiamento) aux organisateurs de ce congrès !

Laisser un commentaire

champs obligatoires *